Assis sur un trottoir, t'observes les allées et venues des gens. Les rues sont bondées en ce début de soirée, mais toi tu n'attends qu'une seule personne, l'un de tes revendeurs qui doit venir te rentre l'argent qu'il te doit. Il t'as entubé une fois, pas deux, du moins c'est ce que t'espères car plus les minutes passent et plus t'as le sentiment amer que ce mec ne viendra pas. Alors tu ronchonnes, t'allumes une clope, t'envoies un sms, deux, puis trois et tu serres les dents, parce que même si tu ne le montres pas, t'as qu'une envie, c'est d'exploser la tête de la première personne qui s'approchera un peu trop de toi.

t'as encore tes bagages sur le dos dans un sac beaucoup trop lourd. mais tu t'en fiches, comme tu te fiches de l'endroit où tu dormiras pour une première nuit à amsterdam. pour l'instant, tu connais personne. tu ne connais pas non plus la ville, et encore moins les ruelles. encore une fois, tu t'en fiche. tu marches tranquillement un joint aux lèvres au travers les rues à la recherche d'une auberge jeunesse où déposer tes affaires. t'as pas mal au dos, mais presque. fuck it. c'est trop beau, c'est trop nouveau, c'est fascinant. tu planes, tu souris pour rien et tu regardes autour de toi. tu portes pas attention aux nouveaux visages, t'as pas le temps. tes yeux sont absorbés par la beauté des édifices, la grandeur des bâtiments. tu marches, tu marches et puis soudainement tu t'arrêtes. non pas parce que t'as envie, mais parce que tu viens de foncer dans ce que tu croyais être un arbre. une personne. un homme. des joues creuses. un regard que tu connais. et puis tu meurs sur place sans dire ton dernier mot.

Au fond t'as la haine, parce que ce mec est un putain d'enfoiré. Et tu sais que si tu lui tombes dessus, il va passer un très mauvais quart d'heure, p'être même qu'il ne reverra plus jamais le soleil briller. Tu pianotes sur ton foutu téléphone, t'essaye de l'appeler mais tu tombes directement sur une messagerie dictée par un robot. Tu t'allumes une autre cigarette, il te faudrait autre chose, un peu de poudre blanche mais sa craint de se faire une ligne en pleine rue. L'endroit est noir de monde, en temps normal tu serais déjà assis sur le canapé d'un bar mais ce soir t'as qu'une envie c'est de rentrer chez toi pour te taper un mauvais trip tout seul, comme un vrai camé. Alors tu décides de te lever, tu prends appui sur le trottoir et pile au moment où tu t'apprêtes à soulever ta carcasse voilà que quelqu'un te rendre dedans. Tu jettes ta cigarette et tu beugles comme un malpropre. Putain, tu peux pas faire attention ?! Encore un drogué qui t'as confondu avec un poteau ou qui se tape un délire bizarre. Tu lèves les yeux sur la personne et là ton souffle est coupé, net. Tes yeux s'écarquillent et ton cœur rate un battement. Parce que si y'a bien quelqu'un que tu ne t'attendais pas à avoir ici c'est elle. Ellie, ta sœur avec qui tu n'as pas eu de vraies conversations depuis des années. E-ellie ? Qu'est-c'que tu fais ici ? Avec un peu de chance t'es en pleine hallucination, ouais c'est ça, tu dois halluciner.

tu sens ta cage thoracique se battre avec le rythme de ton coeur, de tes poumons qui prenne de plus en plus de misère à avoir de l'air. tu sens le fond de ta tête se mettre à picoter, tes mains se diriger vers un fusil imaginaire dans tes poches. une balle dans la tête et tu n'as plus à affronter ce visage. tu n'arrives pas à croire que tu respires encore. et qu'il est là, devant toi à te gueuler dessus. tu l'écoutes pas, tes oreilles bourdonnent comme si tu sortais d'un spectacle de trois heures. t'entends pas ses paroles, mais tu vois ses lèvres bouger. impossible de pouvoir dire un mot, de te defendre, de t'expliquer. tu te sens comme un enfant de cinq mois qui essaie de prononcer des paroles. mais qui n'y arrive pas. t'es pas prête à l'affronter, pas maintenant, pas dans la rue, jamais. tu ne veux plus avoir à l'affronter, mais tu ne peux pas t'enfuir comme lui il l'a fait. il est la seule personne qu'il te reste, la seule qui compte toujours à tes yeux. certes, tu lui en veux. mais au fond de toi, tu ne peux pas ignorer ton seul frère. alors t'es paumée, voilà. t'es pas pour lui dire la verité, lui avouer que t'es venue ici pour le revoir. tu ne peux pas, alors tu mens. mentir comme tu l'as fais durant les derniers mois à propos du decès de ta mère. et de la sienne. tu le regardes dans les yeux, les pommettes rouges feu alors que tes bras se croisent autour de ta poitrine. leho.... voilà tout ce que tu reussi à dire après un long silence. après des années sans avoir pu le serrer dans tes bras, sentir son odeur, te perdre dans ses yeux. voilà que tu te mets à pleurer malgré toi. pleurer toutes les larmes qui n'ont pas coulées aux funérailles de ta mère. tu voudrais t'empêcher de tomber dans ses bras protecteur, mais c'est plus fort que ta foutu tête bornée.

Heureusement pour toi que t'es déjà assis car tu serais tombé à la renverse. Tu sens tes jambes fléchir, tes muscles ne te répondent plus. Tes yeux restent là, plongés dans ceux d'Ellie. Tu ne sais pas quoi faire, tu ne sais pas quoi dire ni comment réagir. Parce que jamais tu n'aurais pensé trouver ta sœur ici, jamais tu ne l'aurais imaginé venir dans une ville telle qu'amsterdam et encore moins dans ce quartier. T'es furieux, furieux qu'elle soit ici, furieux qu'elle reste plantée là devant toi comme une potiche. Et en même temps tu sens ton cœur, tu sens qu'il est sur le point d'exploser. Ton corps ne répond plus de rien et ton cerveau encore moins. Il te faut quelques minutes pour reprendre des esprits, pour te remettre dans le droit chemin. Ce n'est qu'à ce moment que tu te lèves enfin. Tu tangues, t'as l'impression que tout va s'effondrer autour de toi. Aller reprend toi, t'es un homme merde. Tu reprends une respiration presque normale tandis que les larmes coulent sur les joues de ta sœur, elle semble totalement perdue, au moins autant que toi. Alors doucement, tu poses ta main sur son bras et tu l'attires contre toi, là. Le nez dans ses cheveux, tu la serres encore et encore. Tu ne dis rien, car rien ne sort de ta bouche, tu te contentes juste d'être là, pour une fois.

tu te laisses aller contre sa poitrine, te perdant dans son odeur qui t'avais tant manqué. tu sens le poids qui pesait sur tes épaules depuis tant de temps s'assoupir peu à peu. les larmes coulent comme si elles ne voulaient plus jamais s'arrêter, comme si t'étais un ocean de larmes à toi toute seule. tu ne peux pas t'empêcher de profiter de ce moment un instant, avant de te détacher de lui doucement pour essuyer le goût salé des larmes qui te broie la vue. t'as pas le temps ni les moyens de te soucier du maquillage ruiné autour de tes yeux. t'as pas la force de penser à autre chose que comment lui annoncer la raison de ta venue. reprenant le fil de tes esprits, tu l'invites à t'asseoir avec toi sur le banc près de vous. t'es soulagée de pouvoir donner une pause à ton dos, en te debarassant de ton sac que tu poses à tes pieds. puis c'est au moment de prononcer quelque chose que la nervosité se montre le bout du nez. t'es toujours ebranlé et sans mots, concentré à te noyer dans son regard. t'aimerais pouvoir rester silencieuse, ne pas avoir à t'expliquer. mais il est là et il attend des réponses. c'est maintenant ou jamais. désolé, je auis vraiment navrée de me pointer comme ça à l'improviste mais je n'avais pas l'choix... j'pouvais plus rester en france loin de toi et du reste du monde... j'en avais marre leho, voilà pourquoi je débarques ici! pour rien d'autre, j'veux vivre, découvrir, penser à autre chose.... puis tu t'arrêtes net, prise d'une panique soudaine. tu ne trouves plus les mots pour lui annoncer, t'as perdu le courage. alors tu restes silencieuse, encore une fois trop lâche pour dire la verité à ton propre frère. tu te penches pour poser tes coudres sur tes genoux, te prenant la tête entre les mains. tu restes comme ça, durant une, deux, trois et quinze secondes. retenant encore une fois tes larmes, tu relèves les yeux sur ton frère avant d'ajouter quelque chose. j'suis seule leho, je n'ai nulpart où aller et j'ignore pourquoi j'ai pris cette foutue avion pour venir ici.... j'aurais pas dû, j'veux pas t'embêter. tu detournes le regard, impuissant, honteuse, triste et à la fois tellement frustrée.  blockquote>[/b]

Tu sens le corps de ta soeur trembler contre toi, elle lâche toute les larmes qu'elle a du retenir pendant un long moment. Toi tu fais rien, t'attends qu'elle bouge. Parce que t'es pas le genre de mec qui réconforte les gens, du moins t'en a pas l'habitude et de toute façon tu n'as rien à dire. Ellie se décolle enfin de toi, c'est vraiment bizarre de la voir ici, il va te falloir quelques jours pour te mettre dans la tête que ta sœur est ici, qu'elle va certainement faire un bout de chemin avec toi. Elle s'assoit sur un banc, alors tu fais pareil. Tu la regardes, t'aime vraiment pas la voir comme ça. Tu l'écoutes parler, te dire qu'elle en a eu assez d'être en France, qu'elle veut changer d'horizon. T'imagines bien une grosse peine de cœur, du genre le mec qui lui a fait miroiter de lui décrocher la lune et qui a disparut sans laisser un mot. Ouais, t'espères que c'est un putain de chagrin d'amour qui l'a mise dans cet état et rien d'autre, pas un truc de trop grave en tout cas. Le silence s'impose, toi tu la regardes, puis tu regardes tes pieds et tu t'apprêtes à parler mais Ellie reprend la parole avant toi. C'est bon t'inquiètes, tu seras bien ici, avec moi. Voilà les seuls mots qui sortent de ta bouche. Parce qu'au fond t'es partagé, tu pourras jamais étendre ton business avec ta petite sœur dans les pattes et t'as aucune envie qu'il lui arrive quelque chose. Tu poses tes yeux sur elle et tu lui souris. Aller, sèche tes larmes. Tu lui aurais bien tendu un mouchoir mais t'en a pas. J'présume que tu comptes squatter mon appartement ? Tu préfères être plus léger, changer de sujet, parce que t'as pas envie que ses larmes continuent de couler.

tu laisses tes yeux se poser par-ci, et puis par-là en suivant la circulation des gens autour de vous. les larmes cessent de vouloir couler de tes yeux peu à peu, à mesure que tu commences à reprendre ton souffle normalement. tu t'attendais à ce qu'il commence à te poser plus de questions, du genre la raison précise de ta venue, comment t'as réussi à te payer un billet. mais rien de cela, pas un mot de plus. heureusement, il réfute tes dernières paroles en acceptant de te garder à amsterdam. près de lui, près de son business dangereux dans lequel t'as envie de t'investir. mais surtout, avec lui. pas par lettres, pas au travers de petits messages qui viennent de temps en temps. mais bel et bien ensemble, comme nous l'avons déjà été il y a de cela trop longtemps. tu poses finalement tes yeux sur lui, sur son magnifique visage qui te changes les idées. qui t'empêches de continuer à pleurer comme un enfant. et voilà une première question. une question à laquelle tu n'avais pas vraiment réfléchi encore. t'hausses alors les épaules, appuyant ton dos contre le dossier du banc. « je voudrais pas être de trop, mais puisque tu l'offres je dirai pas non... au moins pour une nuit le temps que je me trouve un endroit où squatter. » finis-tu par lui répondre, mal-à-l'aise de t'imposer dans son petit train de vie. t'es soulagée que ton frère change de sujet, mais tu sais très bien qu'un jour tu devrais lui avouer tôt ou tard. peu importe le moment, quand tu seras prête les mots viendront naturellement, sans crainte. mais plus tu attends, plus il risque d'être fâché par ta nouvelle, plus il risque de mal réagir. mais tu choisis de garder le silence, encore une fois.

Les lettres, les sms et les quelques appels, tu sais que ça ne t'as jamais suffi. T'aurais voulu être là pour elle, la voir grandir de tes propres yeux et pas aux travers de photos ou de paroles. T'aurais voulu l'embarquer avec toi en Italie, mais tu sais que ce n'est pas un monde pour elle ou du moins t'as pas envie de la voir s'embarquer là dedans. Car une fois que t'es entré dans la mafia il est presque impossible de s'en sortir, en tout cas pas vivant. T'inquiète, j'te prêterais mon lit jusqu'à que tu te trouves un p'tit boulot. Ca ne te dérange pas, mais t'as trop envie qu'Ellie empiète sur ton espace vital, t'as pas envie qu'elle mette le nez dans tes affaires. Alors t'espères qu'elle se trouvera un boulot, un vrai, dans un magasin ou dans un café. Un truc à peu prêt stable qui lui rapportera de l'argent propre et pas quelques choses qui remplira ses poches de billets recouverts de drogue ou de sang. Tu veux manger un truc ? Et après j'te montre l'appartement. Tu la regardes avant de reprendre. T'as l'air crevée. Mais avant d'y aller t'as de la marchandise à récupérer, t'aurais voulu faire ça tout seul, t'aurais voulu qu'Ellie ne s'en mêle pas. Mais sur ce coup t'as pas trop le choix. Tu regardes ton téléphone un instant, puis les alentours. J'ai juste un truc à récupérer avant d'y aller. Un mince sourire se dessine sur tes lèvres. T'as pas envie d'entrainer ta petite sœur là dedans.

parfois il t'arrives d'imaginer ce qu'aurais été ton enfance avec leho à vos côtés. te demander ce que serais devenu te mère, et ton père sur lequel tu n'as jamais pu mettre un visage qui se cache quelque part dans ce monde. et si maman ne ce serais pas enfui, est ce que leho serait resté auprès de toi ? t'ignores la réponse à toutes ces questions, mais tu ne peux jamais empêcher ta tête d'y penser. surtout en ce moment, surtout devant ton frère qui accepte de t'héberger le temps d'une nuit. parce qu'après, tu comptes te trouver un endroit où te poser. t'as une vie à recommencer, t'as de nouvelles personnes à découvrir et t'as surtout pas envie de t'éloigner de lui à nouveau. alors tu souris, tu souris ellie parce que t'es heureuse. t'es heureuse d'avoir fuis tes problèmes, de retrouver la deuxième partie de toi-même. t'as l'air crevée qu'il dit, et tu sais qu'il a raison. t'as pas fermé l’œil depuis que t'as quitté la france, même pas dans l'avion. les paroles de ton nouveau pote jinx résonne dans tes oreilles, ton sourire s'allonge sur tes lèvres. « ça me va, je crève la dalle en plus ! » lui réponds-tu en te levant, récupérant ton sac par la même occasion. t'es curieuse de savoir ce qu'il doit récupérer, t'espères que ce serais un truc en relation avec son emploi du temps. ça t'excite ce genre de chose ellie, ça t'intéresses peut-être un peu trop. et t'ignores pourquoi.

Tu lèves ton cul du banc aussi tôt que t'as sœur t'a répondu. Ce n'est pas que t'en a marre d'être ici mais.. si enfaite t'en as marre. T'as envie de rentrer chez toi, de te fumer quelques joints puis t'attendre la nuit tombée pour arpenter les rues de la ville. Tu réfléchis un instant, t'es pas certain que les placards de ta cuisine regorgent de bonnes choses à manger alors tu te diriges vers une sorte de boulangerie et tu poses tes yeux sur les sandwichs en vitrine. Tu veux quoi ? Toi tu te prends le premier qui vient parce que t'as pas vraiment faim. En attendant la réponse de ta soeur tu regarde ton téléphone portable encore une fois, histoire de bien retenir où se trouve le paquet, puis tu supprimes le dit message. Tu sais que les flics te surveillent, heureusement t'as réussi à en soudoyer quelques-uns pour qu'ils te laissent tranquilles. Tu ne sais pas ce qu'Ellie pense de tout ça, tu ne sais pas si elle va te demander de bosser avec toi ou non. T'aviseras le moment venu, mais t'es presque sûr de pas vouloir faire rentrer ta sœur dans ton business, bien qu'une fille ça peut toujours être utile. Tu veux que j'te porte ton sac ? Tu payes les sandwichs et tu mords dans le tien. Ta soeur ressemble à une poupée avec un sac trop lourd sur le dos, p'être que tu devrais lui dire de rentrer en France, p'être qu'ici elle ne sera pas en sécurité, du moins pas avec toi.

tu le laisses te guider dans les rues de ta nouvelle ville. la nouvelle ville remplie de secrets et de dangers. tu regardes autour de toi le décor, les visages inconnus en souriant. t'as pas l'habitude de ne pas ignorer les autres passants, ça aussi c'est nouveau. t'es soulagée en voyant une boulangerie, espérant pouvoir trouver un truc pas trop cher et quand même bon pour la santé. pas question que tu changes tes habitudes de vie, surtout pas dans la bouffe. les mcdos, c'est pas ton truc. t'es à ta place dans les sandwichs. sauf que tu craques pour un croissant finalement. ton frère a l'air ailleurs, probablement distrait par son emploi du temps. t'oses pas trop le questionner là-dessus, alors tu te contentes de rester muette. comme toujours. « puisque tu le demandes... » lui avoues-tu en enlevant le sac de tes épaules. t'as le dos en compote, t'as pas hâte aux courbatures de demain. ça t'apprendras d'abuser sur les bagages. « merci... » lui dis-tu après qu'il ait payé pour ta bouffe. c'est gentil de sa part, même si tu te sens mal. tu croques dedans une première et deuxième fois, avant de lever les yeux sur leho. « tu crois que tu pourrais m'avoir un boulot quelque part ? j'ai besoin de fric ! » entends-tu ta bouche demander sans avoir vraiment réfléchi.