les vêtements sales, l'haleine alcool, tu te ruines sur le canapé. t'ouvres enfin les yeux et tu vois elies te regarder avec de grands yeux. c'est dire qu'il est pas habitué à te voir aussi peu soinsoin avec toi-même. t'as du mal à te relever, la soirée d'hier a été beaucoup trop pour toi. tes cheveux ébènes en vrac, tu mets ta tête dans tes mains une fois assis.

il le regardait, là, assis en face de lui. il le regardait parce que, putain, il était beau - et aussi parce qu'un peu, il s'inquiétait. c'était bizarre, ça puait pas le quotidien comme d'habitude, autre chose. peut-être qu'il se trompait, mais peu importe, alors il était là, attendant qu'il s'réveille, les pensées bien ailleurs, fumant une ou deux cigarettes et regardant la fumée s'évaporer. et puis, il ouvrit les yeux. elies le regarda, encore, l'observa, un léger sourire mesquin se glissant sur ses lèvres. gueule de bois, et toujours pareil, toujours la même chose - il le voulait. ça va ? dit-il d'un ton légèrement moqueur, pour une fois. il tira encore sur sa clope, ne le lâchant pas des yeux, jamais - il en était même pas capable.

sa voix résonne dans ta caboche, t'as envie de mourir là. tu relèves péniblement la tête et plonge ton regard océan dans ses yeux. j'sais pas. de toute façon tu sais jamais rien. pourquoi il est là à te regarder ? tu te poses bien la question. tu soupires et passe une main dans tes cheveux, qui les décoiffe encore plus. tu ouvres la bouche, de manière à c'qu'on aperçoive juste tes dents du bonheur. tu veux lâcher des mots mais là t'as plutôt la gerbe qu'autre chose. tu te frottes le visage. pourquoi t'es pas au pieu ?

c'était le matin, y'avait aucune odeur fraîche, pourtant, ils étaient pas rosée, ils étaient pas aube, rien de tout ça. il était sorti, lui aussi, hier, simplement il avait pas dormi - ça faisait pas longtemps qu'il était rentré, et puis, il avait voulu éviter de retrouver un cadavre en se levant, vu l'état d'oswald. alors il était resté là. perdu un peu partout, un peu ailleurs, dans ses pensées. et, quand finalement il se bougea un peu, elies soutint son regard avec insistance - trop, sûrement, mais c'était vraiment plus fort que lui - et élargit son sourire. c'était l'oubli, un peu, l'annihilation de lui-même, qu'il voyait, qu'il observait, sans rien dire. force tranquille. alors il répondit même pas, il savait pas quoi ajouter. et puis, quand il lui posa la question, écrasant son mégot, il se redressa légèrement, détournant le regard. j'viens de rentrer. et je m'inquiétais pour toi. mais ça, il le pensa seulement, parce que, ç'aurait été admettre que ça comptait - et y'avait pas encore trop de ça, entre eux.

tu le vois sourire, d'un beau sourire et toi, tu ne comprends rien. tu fronces un peu les sourcils. t'es plus frais que moi en tout cas. t'essaies te lever mais ton corps ne te réponds pas, trop attiré par ce canapé confortable. tu extirpes ton paquet de cigarettes de ton pantalon beige et tu te rends compte qu'elles sont toutes écrasées. tu soupires encore et tu le jettes sur la table basse qui vous sépare.

pour une fois, il avait le bec cloué, un peu plus que d'ordinaire, et ce simplement parce qu'il avait pas l'habitude de le voir dans cet état là. mais, il disait rien, parce qu'il avait pas à le faire, il voulait pas devenir soleil bienveillant, agresseur et infiltré, aussi - parce que c'était de cette manière que lui, au matin, là, il illuminait le salon. elies le regarda, un instant, l'évita aussitôt parce qu'il se brûla la rétine, et puis, il retourna toute son attention vers oswald. c'est pas très difficile en même temps... un nouveau sourire, plus moqueur encore, et il sortit son paquet de clope en le lui balançant au dessus de la table, vérifiant même pas où il tombait. puis, silencieux, il sortit son paquet de tabac, une feuille, et de la weed, et commença à rouler silencieusement. c'était parfait, maintenant, et lorsqu'il eut achevé son oeuvre, il l'alluma, tirant lentement, observant la fumée se mouvoir sous les rayons du soleil. il savait pas vraiment quoi dire - il savait jamais - alors il se contenta d'une banalité. tu veux un café ? ça t'ferait peut-être pas trop de mal. encore un léger sourire, il s'en défaisait pas, pas maintenant, vraiment.

le paquet atterri à tes pieds, tes réflexes sont morts, comme toi. tu te baisses légèrement, t'en empares et allumes une cigarette avec hâte. tu te laisses tomber en arrière, comme si tu avais enfin eu ta dose d'héro dans les veines. tu tires dessus comme si c'était la dernière, relances le paquet qui atterri à trois mètres d'elies. mais tu t'en fous royal en fait. tu le vois se rouler un stick, tu lèves les yeux au ciel. toi, tu ne t'ai jamais drogué en fait, c'est ce qui fait ton originalité en tant que dealer. tu tournes à la clope et au candy-up chocolat en fait. c'est ça ta drogue, le candy-up. un café ? je déteste le café. tu sais qu'il sait mais tant pis. mais j'prendrais bien un candy-up. mais dieu sait que c'est une mauvaise idée un laitage dans cet état-là.

il le regardait avec un plaisir sadique, l'observait se débrouiller dans son état, et se délectait du spectacle sans rien dire. elies buvait plus vraiment, dernièrement, et ça faisait certainement plusieurs dizaines de jours qu'il s'était pas vraiment mis mal, les entrailles retournées et la tête dans le mal. il en avait même plus envie, il s'contentait de zoner, ici et là, et quand il le regardait, ça lui donnait vraiment pas envie de retrouver ses vieux travers. fumant tranquillement, il remarqua le regard d'oswald, laissa s'échapper d'entre ses lèvres un petit rire. ptit joueur. tu veux toujours pas goûter ? il le provoquait, sans vraiment savoir pourquoi, comment - sûrement parce qu'il savait pas parler autrement. et puis, il s'enfonça un peu plus dans le fauteuil, fermant les paupières quelques instants, détendu. et encore, il le chercha, et sûrement le trouva-t-il. pourtant, il n'ajouta rien, se redressa fébrilement et se dirigea vers la cuisine, fouilla dans le frigo, lui sortit son fichu candy-up - il avait jamais compris pourquoi il aimait ça, d'ailleurs. et puis, il revint, lui donna la petite bouteille, fronçant légèrement les sourcils. j'sais pas si c'est une bonne idée. et il retourna s'asseoir, tirant encore sur son joint, plus soucieux qu'avant. finalement, il se redressa légèrement au terme de longues secondes de silence, plantant son regard dans celui d'oswald. pourquoi tu fais ça en c'moment ?

il lui répondit pas, elies détourna le regard en poussant un soupir, parce qu'il comprenait pas - et puis, qu'il en avait rien à faire finalement. il se contentait de tirer de manière lasse sur le joint, s'amusant avec la fumée, attendant une réponse. y'avait ces mots qu'il savait bien placés, déplacés en même temps - il était pas son père, mais c'était plus fort que lui, comme des spasmes irrépressibles, protecteurs à son égard. il le devina bien rapidement au silence d'oswald - même ivre mort il avait pour habitude de répondre plus vite. alors de nouveau il posa son regard sur lui, sans rien dire, le dévisageant juste, ou le dévorant du regard, peut-être, en même temps. il pouvait pas s'en empêcher, ça non plus. à vrai dire, il savait plus vraiment se contrôler quand il s'agissait de lui, même s'il s'efforçait de faire du mieux qu'il le pouvait. alors, quand ses mots retombèrent, lui, il se redressa légèrement, un peu tendu, un peu inquiet - mais il se contrôla. et puis, il le regarda, sans méchanceté, avec un peu de tendresse, mais rien de niais, rien de con. et il le regarda, feignant l'indifférence, gardant un ton calme en dépit de ses mots violents. te fous pas de ma gueule.

il le regardait, il le regardait, avec son sourire caduque, ses yeux plissés qui suintaient la fatigue, et ce fond blessé qui lui collait aux mots, à la peau. il s'en rendait même pas compte, le pauvre, du tableau dont il était la pièce centrale, maîtresse, oeuvre complexe dont elies ne comprenait certainement pas encore tous les enjeux, toutes les significations. pourtant il l'observait, défaillant un instant lorsqu'il lui répondit, détournant dès lors le regard, doucereuse torture que pouvait être un tel défi pour lui. il n'imaginait sûrement pas, ce frisson, qui encore parcourut l'épiderme du gamin, irrépressible déchirant. pourtant, y'avait toujours ce fichu rictus qui se glissait, là, parce qu'il était gêné quand oswald faisait ça, pour un petit truc, pour tout, pour rien, juste pour lui. alors, il ajouta rien au départ - parce que les mots lui manquaient un peu, quand même, un instant, qu'ils filaient au moment même où il en avait le plus besoin, ces traîtres. pourtant, comme toujours son regard retrouva son visage, qu'il voyait pas vraiment, là, parce qu'il s'engouffrait un peu dans sa peine. il savait pas quoi faire. il savait jamais s'y prendre, pas passer pour un con, pas passer pour un insensible, non plus. ça tient jamais longtemps les masques qu'on met, tu sais. qu'il lui dit, comme si lui, il pouvait parler sur ce sujet. comme si lui, il lui cachait rien, jamais. peut-être justement parce qu'il pouvait comprendre, du haut d'ses silences, indétrônables.